Le 22 septembre 1978: Zinoviev le dissident est privé de sa citoyenneté

Vladimir Dimitrijevic, fondateur des Editions L’Age d’Homme (à g.), en compagnie d’Olga et Alexandre Zinoviev, à Lausanne en 1978. Image: ASL

22.09.2015, 24 heures

Dans «24 heures»L’écrivain et logicien russe, dont les œuvres sont publiées à Lausanne, «porte atteinte au prestige de l’Union soviétique», selon Moscou.

«Toute critique du système soviétique est qualifiée d’activité criminelle», affirme Alexandre Zinoviev dans 24 heures ce 22 septembre 1978. Or le Russe de 55 ans fait partie de ceux qui n’ont pas pu se taire.

Publiés dès 1977 en traduction française par les Editions L’Age d’Homme à Lausanne, ses écrits offraient une «description implacable d’un système totalitaire», faisant ressortir avec une «puissance corrosive les mécanismes d’une société où la déshumanisation, portée à son comble, prend le visage de la banalité», écrit Henri-Charles Tauxe dans le quotidien vaudois.

Exilé en Allemagne en été 1978, le dissident apprend par des journalistes, en septembre, qu’il est déchu de sa citoyenneté, après avoir été privé de ses titres et décorations, «parce qu’il agit systématiquement de manière incompatible avec sa citoyenneté soviétique et porte atteinte par son comportement au prestige de l’Union soviétique».

Car, relate Henri-Charles Tauxe, «Alexandre Zinoviev, avant de connaître les foudres du pouvoir, s’est imposé en Union soviétique et dans le monde scientifique par ses très remarquables travaux dans le domaine de la logique. Sa carrière a été celle d’un universitaire en vue et titré, jusqu’au moment où parurent Les hauteurs béantes, un ouvrage dont on a pu dire avec raison qu’il annonce la littérature du XXIe siècle.»

«Vivre et travailler en paix»

Dans la même page de 24 heures consacrée à l’événement, Zinoviev, atteint par téléphone, répond aux questions de la journaliste Francine Brunschwig: «La décision de l’Union soviétique de me priver de ma citoyenneté est stupide. Je ne suis pas un politicien, mais un homme de science, un écrivain. Je n’ai rien fait de criminel et je n’avais pas l’intention de le faire! Je n’ai qu’une envie: vivre et travailler en paix.

— Mais en Union soviétique la critique constitue un crime?— Juridiquement, légalement, la critique ne constitue pas un crime. Mais, pratiquement, c’est vrai, mon activité est qualifiée de criminelle. Toute critique du système soviétique est considérée comme un crime. En fait j’ai été expulsé pour avoir écrit Les hauteurs béantes, mais les autorités le nient: ce n’est pas à cause de mon roman, mais parce que mon activité à l’Ouest est criminelle. (…)

» Bien sûr, je suis triste car mes enfants sont là-bas, d’autres parents, les amis, et je suis conscient que je ne retournerai pas en URSS dans un avenir proche. Mais j’espère que quelque chose changera un jour.»

Alexandre Zinoviev, qui avait retrouvé la Russie en 1999, y est décédé en 2006. (24 heures)